Le Témoignage de Gérald

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Vers 1980, à peu près au moment où Candy quittait Londres pour revenir en Amérique, mes horaires ont changé et je n’ai plus pu regarder le feuilleton à la TV. Je lisais tout de même parfois les résumés, genre « si vous avez manqué le début », qui paraissaient dans les programmes de télévision. On y trouvait des indices tels que « Candy parvient à s’embarquer pour l’Amérique », « Mademoiselle Pony envoie Candy dans une école d’infirmières », et puis « A Chicago, Candy assiste à une représentation où Terry joue avec Suzanne », « Candy apprend que Terry va jouer à New York avec Suzanne »… Mais qui était donc cette Suzanne ?

C’est une dizaine d’années plus tard, en lisant le manga, que j’ai découvert la triste histoire de la belle Suzanne (« Susanna », je sais, mais j’ai l’habitude des noms francisés). Encore une dizaine d’années, et, grâce à Sophie, Nila, Cécile et quelques autres, je la redécouvrais sur Internet, ainsi que Candy, Anthony, Albert et toute la bande. Je découvrais surtout, avec stupéfaction, la haine furieuse dont elle était l’objet de la part de certaines groupies de Teerrrryy. Voyez les fanfictions, où une fois sur deux Suzanne meurt (accident, crime, suicide, maladie… faites votre choix). Voyez ces plaisanteries douteuses sur les handicapés (d’accord : celui qui a dit, lors d’un chat, que si Anthony était vivant mais en fauteuil roulant il pourrait faire un tandem avec Suzanne, j’avoue, c’est moi. Mais j’en ai encore honte). Même Daniel et Eliza n’ont pas subi un pareil déchaînement. Il est vrai que ni Daniel, ni Eliza n’avaient la moindre chance de terminer l’histoire dans les bras de Teerrrryy.

Et bien sûr, on la présente comme hypocrite, intrigante, manipulatrice… Suzanne n’a rien demandé, elle ! Elle était toute prête à s’effacer, y compris sous la forme d’une petite flaque rouge au pied d’un immeuble (j’en connais pour qui la bonne solution, ç’aurait été que Suzanne tombe du toit juste au moment où Albert passait malencontreusement en dessous… et splatch, deux problèmes résolus d’un coup). Mais franchement, voit-on Candy accepter cela ? Imagine-t-on qu’elle pourrait vivre avec Terry en sachant que Suzanne reste seule et désespérée, ou qu’elle s’est suicidée ? (voir la réponse dans la fanfiction de Stéphanie, sur le site de Sophie). On parlera tant qu’on voudra de sens de l’honneur mal placé, et blablabla… Candy est au-dessus de cela. Candy est un personnage cornélien qui, entre deux maux la conduisant tous deux à perdre son amour, choisit celui qui lui permettra au moins de respecter sa propre morale. Et elle impose ce choix à Terry qui, une fois dans sa vie, aura ainsi l’occasion de se comporter comme l’un des héros qu’il incarne au théâtre. Suzanne, elle, est un personnage shakespearien, Juliette ou Ophélie : si elle sauve son amour elle n’a besoin de rien d’autre, si elle le perd il ne lui reste plus que le désespoir et la mort.

Pour ceux qui tiennent à une solution « Candy + Terry », on  peut toujours se consoler en imaginant que Suzanne se déprendra un jour de Terry, qu’elle trouvera mieux que lui (ce qui n’est pas bien difficile, mais ceci est un avis personnel). Le bel acteur et Candy seraient ainsi libres de vivre ensemble. Quoique… ainsi que le disait une fan de bon sens, il y a quelques mois, sur un forum anglophone : « si j’étais Candy et que Terry revenait me voir, cinq ou dix ans après, en me disant : « Chérie, Suzanne m’a quitté, on peut se marier », je lui flanquerais un coup de pied au derrière qui le mettrait sur orbite ! ».

Suzanne, elle, mérite tout simplement de vivre avec un homme qu’elle aime et qui l’aime.

« Alors, il la prit par la main et la conduisit au palais. À chaque pas, comme la sorcière l’en avait prévenue, il lui semblait marcher sur des aiguilles pointues et des couteaux aiguisés, mais elle supportait son mal. Sa main dans la main du prince, elle montait aussi légère qu’une bulle » (Hans Christian Andersen - La Petite Sirène)

Gérald (SML) - Juin 2001

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