“ You Belong To Me ”
(Chapitre 1)
Écrit et illustré par Manuella
Le sifflement strident du train se fit entendre. Celui-ci allait bientôt entrer en gare. L’arrêt était imminent. Les voyageurs s’apprêtaient à sortir et vérifiaient une fois encore leurs affaires.
Suzanna prenait un bain dans un grand bac en cuivre qui était disposé dans une pièce donnant sur la suite qu’elle occupait à bord du train. Cette salle de bain était fort jolie, pensa-t-elle ; des fleurs étaient disposées dans un vase non loin. Il y avait un beau miroir accolé au mur. Il était orné de fils doré, sa forme rappelait celle d’une feuille comme sa broche qu’elle affectionnait tant. C’est ainsi que ses souvenirs la ramenèrent à la dernière soirée au restaurant de New York qu’elle avait passée avec Terry. Elle souffrait encore de la réaction de celui-ci. Il avait pris la décision de la suivre en Californie dans l’espoir d’y revoir Candy. Pourquoi n’arrivait-il donc pas à l’aimer, elle ?
« Moi je l’aime tellement !! », pensa-t-elle.
– Oh ! Oui, oui… Comme je l’aime… Pourquoi me tortures-tu ainsi, Terry ?… Nous pourrions être si heureux ensemble ! Non, je n’abandonnerai pas. Je t’aime trop pour ça.
C’est à ce moment-là que Viula, la femme de chambre de Suzanna, frappa à la porte. Suzanna lui commanda d’entrer et Viula l’aida à sortir de son bain. Elle enroula Suzanna dans une serviette parfumée au lilas. Viula était une vieille femme d’une soixantaine d’années, corpulente et d’un caractère très fort ; Elle mâchait rarement ses mots ! Suzanna lui portait une grande affection. Viula s’était toujours occupée d’elle quand ses parents étaient en voyages. Elles entrèrent dans la chambre et remarquèrent que l’eau chaude avait réchauffé la pièce ; la vielle femme ouvrit alors la fenêtre après avoir déposé sa jeune protégée sur le lit. Un courant d’air pénétra le lieu et Suzanna en fut enchantée ; elle avait pris un bain chaud alors que c’était l’été !!
– Quelle robe la d’moiselle veut-elle aujourd’hui ?
– Hum ?… Je ne sais pas… La bleue peut-être ?… Vous savez celle qui est assortie à mes nouvelles chaussures ?
– Si, si. Je vois. Mais elle se trouve dans la malle grise. Je vais la prendre ; attendez-moi là, dit-elle avant de s’en aller.
Suzanna pensa qu’il lui serait difficile d’aller ailleurs dans son état. Ses pensées s’assombrirent et elle sentit le poids de ces derniers mois lui serrer le cœur. Sa mère lui avait parlé d’un médecin nouvellement établi sur la côte et tentait de lui redonner espoir au sujet de ses jambes. Mais elle savait que rien n’y pouvait. Non, elle resterait à tout jamais paralysée et elle devait s’en accommoder. « S’en accommoder ? », Hum…Un bruit derrière elle l’interpella.
– Ah ! Vous avez fait vite Viula !! Alors, vous avez trouvé ma robe ? questionna Suzanna en détournant la tête.
Elle fut alors surprise de voir Terry.
– C’est toi, Terry ?… Tu m’attendais pour déjeuner ? Viula est partie me chercher ma robe, elle revient tout de suite et je serai prête en peu de temps.
Terry ne répondit pas. Tout d’abord Suzanna ne comprit pas. Le regard de Terry était devenu étrange, ses yeux avaient pris une expression plus profonde. C’est alors qu’elle se rendit compte qu’elle n’était vêtue que d’une simple serviette !! Terry ne remarqua pas la rougeur qui animait ses joues ; son regard était posé sur le cou gracile de la jeune fille. On ne voyait pas véritablement les courbes de son corps car la grosse serviette était informe. Toutefois celle-ci ne cachait pas la naissance de ses seins et il lui sembla que la peau de Suzanna était d’une douceur extrême. Sans le vouloir véritablement, il s’était attardé à la détailler. Ses yeux se portèrent alors sur le visage de Suzanna. Ses cheveux mouillés ruisselaient et elle avait une légère coloration au niveau de ses joues, il remarqua alors que la fenêtre était ouverte
et qu’il y avait encore des buées sur les meubles. C’était la confirmation que Suzanna venait de prendre un bain, si confirmation était nécessaire. Il se dirigea vers la fenêtre et la referma.
– L’air est frais et la pièce est humide. Tiens-tu donc tant que cela à m’éviter pendant le reste du voyage ?
– Hein ? Laissa échapper Suzanna.
Elle ne comprenait pas vraiment ce que voulais dire Terry, mais Suzanna était trop gênée par sa quasi nudité pour s’en préoccuper.
– Voilà mademoiselle ! J’y ai mis le temps mais j’ai vot’e robe. Ah ! M. Terrence, je savais pas qu’vous étiez là.
La veille femme le regarda d’un air suspect et fronça les sourcils.
– Oh ! Viula, vous voilà.
Suzanna baissa légèrement la tête et sourit imperceptiblement derrière les quelques mèches de cheveux qui étaient venues lui balayer le visage.
– Soit, je ne suis pas censé être là. Toutefois, je t’attendais, dit-il en se retournant imperturbable vers Suzanna. Tu penses être bientôt prête ? continua-t-il.
– Hmm ?… Heu… Non. Enfin, je veux dire, oui. Oui, je viens te rejoindre dans quelques minutes.
– Parfait.
Terrence sortit de la pièce sous le regard réprobateur de Viula qui manifestement ne voyait pas d’un bon œil cette visite. Elle aida sa jeune maîtresse à s’habiller et Suzanne put se rendre aux côtés de Terry aidée en cela par son fidèle majordome. Le petit déjeuner fut très calme, mais sans grand intérêt, à la différence du dîner qui fut très instructif ! Suzanna avait alors appris que Candy vivait non pas sur la côte pacifique comme elle l’avait pensé, mais près du Michigan !! Elle en fut réjouie car elle avait pensé que Terry l’accompagnait pour rendre visite à cette dernière. Néanmoins le doute subsistait car Terry avait bien décidé semble-t-il de l’accompagner dans le but de revoir ce fameux M. André. Elle ne pouvait toutefois pas cacher sa joie à l’idée d’apprendre que Candy était
très loin d’eux, très loin de Terry ! Elle mangea de bonne grâce, ce qui surprit Terry qui avait vu Suzanna au cours de ces derniers mois une mine pale et avec un petit appétit.
– Je n’ai jamais rien mangé de si délicieux, dit-elle. Terry ?… Terry ?…
– Oui ? demanda-t-il surpris .
– Ne trouves-tu pas cette volaille particulièrement bien cuite ? Je me régale !!!
Terry regarda la viande froide noircie de poivre qui se trouvait dans son plat et se demanda si elle plaisantait ? Un serveur passa avec son chariot rempli de gâteaux et il fut surpris de la voir si aisément en prendre deux de taille discutable. Elle lui sourit et il se dit qu’elle avait décidément un comportement bizarre. Elle semblait parfois l’éviter et quand il en venait à cette conclusion, voilà qu’elle lui faisait son plus beau sourire et se montrait toute joyeuse !
Il regarda par la fenêtre et se dit alors qu’ils n’étaient plus très loin de San Bernadino. Dans quelques jours à peine ils arriveraient chez la cousine de Suzanna. Comment s’appelait-elle déjà ?…Ah ! Oui, Victoria. Il lui semblait pourtant que le voyage réserverait d’autres surprises, voyant Suzanna discuter gaiement avec une serveuse. Il ne la savait pas si versatile.
* * *
Le wagon grondait de bruits divers. La pièce fourmillait de jeunes gens discutant aimablement autour de leur table de leur prochaine arrivée en Californie. L’atmosphère était agréable. Il se faisait tard et certains couples rejoignaient leur cabine ; 10h30 sonnèrent à la pendule. Alors que Terry avait décidé de rester encore, Suzanna se fit ramener à sa chambre par Edwards, puis Viula l’aida à prendre un bain et à se coucher, puis ils rejoignirent tous deux leur chambre respective. Suzanna eut du mal à s’en dormir car elle était impatiente de revoir sa cousine. Cela faisait plus de cinq ans qu’elles ne s’étaient pas vues ! Comme Victoria devait avoir changé pensa-t-elle !! La dernière fois, celle-ci venait d’avoir 19 ans et arborait une épaisse chevelure auburn qui tombait en cascade sur ses épaules ; elle était toujours très sérieuse,
mais il n’existait pas de meilleure hôtesse qu’elle ! Elle avait le don de mettre les gens à l’aise. Suzanna était pressée de revoir toute sa famille au grand complet, d’autant plus qu’elle ne venait pas seule… À part ses parents, personne ne devait savoir qui était celui qui l’accompagnait. C’est à ce moment qu’on cogna à sa porte. Elle vit Viula entrer. Elle venait s’assurer que Suzanna n’avait plus besoin de rien puis repartit. Mon Dieu ! Comme elle pouvait être excitée ! Terry sera donc présenté à sa famille. Qu’allait-elle leur dire ? Sa bonne humeur disparut alors. Elle ne pouvait quand même pas leur dire qu’elle lui avait sauvée la vie et qu’en échange il allait rester à ses cotés ! La situation lui parut alors bien complexe et elle se demanda ce qui les attendait. Ils le sauront sans doute bien assez tôt. Peu importait après tout ! L’idée
que Terry et elle allaient passer le restant de leur vie ensemble lui rendit un peu de joie. Elle sourit et se retourna encore une fois sur sa couche sans pour autant arriver à dormir. Ce n’est qu’environ deux bonnes heures plus tard qu’elle pu fermer les yeux.
Cela faisait déjà presque trois heures que Terry était venu s’accouder au bar. La tête entre ses mains il se demandait s’il ne devait pas retourner dans sa chambre. Il se releva et après avoir hésité quelques instants il se dirigea vers la sortie en titubant légèrement. Il avait sans doute trop bu. Après avoir atteint son wagon il chercha sa chambre sans résultat. Il s’adossa à une porte et regarda par la vitre. Le paysage défilait à une folle allure. En guise de paysage, c’était surtout des nuances de clair-obscur qu’il voyait. Il repris son souffle et finit enfin par trouver sa cabine. Il essaya d’ouvrir, sans succès. Il ne percevait pas grand chose à travers cet épais brouillard qui lui barrait la vue. Il fit encore quelques essais et tourna le poignet. Il réussit enfin à pénétrer dans la chambre plongée dans l’obscurité.
Il avança vers son lit et commença à se dévêtir. Il faisait vraiment chaud dans cette pièce ! Il ouvrit légèrement la fenêtre et referma les doubles rideaux pour que l’air puisse passer un peu. Il se déchaussa enfin et s’assit au bord du lit qui plia sous son poids. Il entra sous les draps et se dit que décidément il faisait vraiment une chaleur insoutenable, se devait être l’effet de l’alcool.
Demain il y verrait plus clair.
***
L’air frais réveilla Suzanna. Elle cligna des yeux pour que sa vue s’habitue au noir de la pièce. Elle n’avait pas de chance. Elle commençait si bien à s’endormir ! Elle faisait même un rêve merveilleux dans lequel Terry la serrait très fort dans ses bras !!
– Hm… souffla-t-elle. « Si seulement cela pouvait être vrai », pensa-t-elle.
Mais elle ne se faisait pas d’idées… Terry aimait encore Candy et il ne l’oublierait peut-être jamais. Et il fallait qu’elle l’admette pour son propre bien. Il faudrait du temps à Terry avant que Candy n’occupe plus ses pensées… Mais qui avait donc ouvert la fenêtre ? Viula était s’en doute revenue encore une fois. Elle ne comprit pas tout de suite, il lui fallut quelques instants encore pour comprendre que le poids qu’elle ressentait sur ses épaules n’était en rien dû au mariage de sa cousine. Un bras ! Un bras d’une teinte hâlée était étendu en travers de sa poitrine ! Son cœur manqua un battement et elle faillit hurler, mais ce retint de justesse quand elle vit que c’était Terry qui se trouvait allongé, dans son lit, près d’elle.
– Mon Dieu !! réussit-elle à articuler.
Elle le regarda comme si elle le voyait pour la première fois. Que faisait-il donc ici ? Elle essaya en vain de se dégager. Terry respirait calmement, il semblait dormir d’un sommeil profond. Qu’allait-elle bien pouvoir faire de lui ? Il était fermement hors de question qu’il reste ici, quand même ! Si jamais Viula venait et les voyaient ainsi, il était fort à parier que sa mère le saurait !! Dieu ! Il fallait vraiment qu’elle s’en sorte ! Agrippant les bords du lit, elle gesticula encore une fois, mais ne réussit qu’à les rapprocher un peu plus. Elle sentait que le corps de Terry était quasiment sur elle.
– Flûte ! Oh ! Je n’y arriverai jamais !
Pourtant faire appel à Viula ou à Edwards était hors de question. Elle devait donc trouver un moyen pour que Terry quitte sa chambre. Elle se retourna vers lui dans l’intention de le réveiller pour qu’il s’en aille quand elle remarqua deux pairs d’yeux bleus qui la regardaient.
Terry était réveillé.
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